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Le temps retrouvé du bœuf confit à la sangria - Next

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On ne dira jamais assez à quel point le temps est un élément majeur en cuisine. Quand il détermine le rosé du foie de veau ou du pavé de bœuf. Quand il fait chanter l’œuf dans la casserole, à la coque ou dur. Quand il scande la cuisson des pâtes et des haricots verts al dente. Tout cela appartient aux fondamentaux des fourneaux et d’autres activités où le temps est un ordonnancement que partagent la cuisinière, le boucher et le conducteur de train. Le chronomètre n’est pas un ennemi quand il confit le rôti de porc, fait souffler les meringues. Pourtant, il y a un hic aujourd’hui : le temps en cuisine n’est plus une évidence, il est devenu une contrainte. La dictature du micro-ondes-surgelés a sans doute contribué à ce malentendu. Car oui, il s’agit d’un quiproquo : en contemplant le temps du mijotage, on a l’impression de le perdre. Pire, en nombrilisant notre bectance à coups de livraisons par des sans-papiers exploités, nous sommes devenus des obsédés de la montre dans l’assiette.
Alors aujourd’hui, on vous propose de revenir à l’essentiel: le frichti au long cours qui donne du temps au temps. Ecoutez Marguerite Duras dans la Cuisine des écrivains (1) évoquant la potée: «Ça doit cuire trois heures en tout et dans cette recette-ci, le jambonneau ayant cuit une demi-heure, il reste deux heures et demie de cuisson. Vous mettez beaucoup d’eau et vous êtes tranquille pendant deux heures et demie. Petit à petit l’odeur merveilleuse se répand dans la maison fermée, fermée parce que c’est un plat d’hiver. Quand c’est fini vous n’êtes pas obligé de manger ce plat. Il faut que vous le sachiez : rien ne vous oblige à en manger. Vous pouvez aussi bien aller vous coucher. Vous vous réveillez vers minuit. Vous allez au frigidaire, vous buvez un grand verre de lait glacé. Vous retournez dans votre lit, vous vous rendormez, vous souriez d’aise tellement se rendormir est toujours délicieux.»

En lançant une cuisson au long cours, n’oubliez jamais que vous vous offrez des heures, des minutes, des secondes: pour lire Duras, écouter Mozart ou Led Zeppelin, entamer une partie de dames avec un votre petit dernier ou aller grappiller les premières framboises avec votre chéri(e). Alors tentez donc le «bœuf confit à la sangria» du chef voyageur Yoni Saada dans son livre de recettes ensoleillée la Grande Bleue (2).

Il vous faut pour six personnes un kilo de paleron de bœuf; 3 anis étoilés (badiane); un bâton de cannelle; 2 gousses de cardamome; 6 baies de genièvre; 10 grains de poivre noir; un litre de vin rouge; 4 oignons rouges; une orange non traitée; de l’huile d’olive; une noisette de beurre; du sel.
Préchauffez votre four à 160 degrés. Dans une cocotte allant au four, colorez le paleron à l’huile d’olive et au beurre à feu vif sur toutes ses faces. Ecrasez la cardamome à l’aide d’un pilon pour libérer et broyer les graines qui sont à l’intérieur. Dans la cocotte avec la viande, ajoutez les épices, du sel, le vin rouge et flambez. Enfournez à 160 degrés à couvert pour quatre heures. En fin de cuisson, gardez la viande au chaud dans la cocotte. Passez la sauce au chinois et faites-la réduire sur feu doux dans une petite casserole pour obtenir une sauce sirupeuse. Versez la sauce sur la viande. Ajoutez les oignons rouges pelés et coupés en deux, enduisez d’huile d’olive et enfournez à nouveau pour trente minutes à 160 degrés.
Servez bien chaud parsemé de zeste d’orange finement râpé.

(1) La Cuisine des écrivains de Johan Faerber (éd. Inculte, 12 euros, 2010).
(2) La Grande Bleue de Yoni Saada (éd. Solar, 2019, 29,90 euros).

Jacky Durand


June 24, 2020 at 08:54PM
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